Lengereau (Éric), (dir.)
Architecture et construction des savoirs
Quelle recherche doctorale ?
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« Réalisés en 2006 et 2007, quatorze entretiens livrent les opinions divergentes de praticiens, enseignants et théoriciens reconnus (de Portzamparc, Tschumi, Chemetov, Reichen, Grumbach, Fortier, etc.) sur la (re)définition du cadre institutionnel du contenu pédagogique et des objectifi professionnels d'un doctorat en architecture et urbanisme. Les relations problématiques entre l'enseignement de l'architecture et l'université, entre la recherche scientifique et le projet, ainsi que la culture intellectuelle des architectes sont quelques-uns des thèmes récurrents de ce recueil. » Archiscopie, Les Livres n° 18, décembre 2008.
« Un doctorat pour quoi faire ?
Le Bureau de la recherche architecturale, urbaine et paysagère (DAPPJMCC) vient de faire paraître en cette rentrée une série d’entretiens avec nos grands prix nationaux, d’architecture ou d’urbanisme, sur l’épineuse question du “doctorat d’architecture”.
Quatorze ont répondu à l’appel. Cinq d’entre eux ont “fait carrière” et occupé, ou occupent encore à plein temps, un poste d’enseignant au sein des écoles françaises. Il manque Jean Nouvel, mais Claude Parent et Rudy Ricciotti sont là. Elargi à quelques grands prix nationaux d’urbanisme, on y a recueilli la parole de ce “conseil des sages” qu’Ann-José Arlot avait souhaité régulièrement réunir. Logique en somme : l’État ayant distingué au fil des ans chacun de ces architectes et ce faisant confirmé la qualité de leur travail, il souhaite recueillir aujourd’hui leur avis sur cette question du doctorat. “L’État est protecteur, ne l’oublions jamais”, avait dit Viollet-le-Duc dans ses Entretiens. Et ajoutons que la question du doctorat est décidément bien épineuse. Éric Lengereau, chef du BRAUP évoque dans son introduction “la nécessité d’une formation doctorale” qui “ne date pas d’hier ni d’avant-hier”, ainsi que la “complexité des enjeux de l’enseignement de l’architecture”, tout “à la fois déroutante, menaçante, passionnante et stimulante”. On le comprend.
L’édition est exceptionnelle pour un ouvrage de ce type : l’éditeur, Recherches, et l’équipe du BRAU ont en effet cherché à mettre des images (notamment des couvertures d’ouvrages, excellent subterfuge) sur les idées. Au choix des interviewés, hésitations multiples et coquetteries diverses : il est parfois plus difficile encore de choisir un livre plutôt qu’un bâtiment ! Des romans, et pas seulement des essais ou des traités de construction : l’architecture ne s’est jamais limitée aux poutres et aux poteaux et les intellectuels interrogés dans cet ouvrage sont bien placés pour le savoir. Mise en page aérée et claire pour un sujet qui ne l’est pas toujours, travail éditorial soigné, principales réalisations et publications des interviewés et notes de bas de page
bienvenues dès qu’une information ou une précision s’avèrent utiles.
C’est donc une excellente idée que d’avoir ainsi convié ces grands intellectuels à prendre position sur cette épineuse question, la lecture en est agréable, riche et dense, mais c’est une sorte de leçon et bilan des expériences passées. Quelles que soient la grandeur et la grande œuvre de chacun, une vie est autant une collection de réussites que d’échecs. Et le problème avec cette question du doctorat et la manière dont s’en est saisi chacun de ces 14 “grands architectes” est que chacun y a mis en place ses garde-fous et les barrières susceptibles de le prémunir un tant soit peu des comptes de ses propres échecs, manques ou carences. Parfois jusqu’au solipsisme. Mais ces entretiens n’en sont pas moins passionnants, presque tous excellents, pas du tout gris et encore moins monotones, loin de là.
Mais le “doctorat en architecture” – qui existe déjà — sera, quoi qu’il en soit, mis en œuvre et surtout pérennisé et institutionnalisé définitivement par d’autres. Mais comment donc assurer la transmission ? C’est en somme la grande différence entre les relations du maître avec son disciple et celles du professeur avec son élève. Le professeur aura son élève pour successeur, il lui transmettra sa chaire. Le maître, lui, restera hors des institutions et ne laissera rien en héritage, du moins direct. Mais toutes ces questions ne datent pas d’aujourd’hui. Pour un bref rappel, juste après le 10 mai, le très mitterrandien Syndicat de l’architecture adressait ainsi ses griefs au coeur de l’été 1981, le 23 juillet, à l’enseignement en général et à la recherche en particulier, alors instituée depuis une petite dizaine d’années : la réforme attendue du nouveau Pouvoir devra “faire entrer la structure de l’enseignement de l’Architecture dans le droit commun des structures d’enseignement supérieur en France”.
Même si “les problèmes de la recherche restent à résoudre : souvent à caractère historique, elle n’a pu nourrir la réflexion que d’un petit nombre. Et les risques de mandarinat sont déjà là.” Sic transit… Et beaucoup se souviennent sans doute encore des débats à n’en plus finir sur l’IFA “super-école” ! »
Jean-Louis Violeau, AMC, novembre 2008